COMPLICATIONS


Les conséquences d’une  déficience visuelle ont de lourds impacts psychologiques (autonomie, confiance en soi) et fonctionnels (adaptation de la vie quotidienne au déficit visuel). Le sujet adulte qui devient malvoyant doit assumer la perte de la vision et les changements qu’elle provoque. Cet effort de compensation est d’autant plus difficile que le sujet est âgé, et que diverses complications viennent majorer les déficits.  

Impacts psychologiques

L’atteinte de la vision ramène l’individu à une notion de perte. Aussi, selon sa solidité ou sa fragilité, en lien avec son histoire, la DV représente un  terrain à fort risque d’engendrer un vécu dépressif. En effet, l’émotionnel de la dépression peut fragiliser la vision et la perte va engendrer l’état dépressif. 

Ce lien entre DV  et dépression fait l’objet de nombreux articles étrangers, notamment  américains émanant  de grandes revues de psychiatrie, gériatrie et ophtalmologie (1). Ces différents articles montrent à partir d’études randomisées  le lien fort entre DMLA et dépression et nous donnent  les indications suivantes : 

  • La dépression est une complication fréquente et grave de la DMLA. Les taux de dépressions chez les personnes atteintes de DMLA sont alarmants et comparables à ceux rapportés dans d’autres maladies chroniques comme les maladies cardio-vasculaires, les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC) et le cancer. La DV chez les personnes âgées est même un facteur de risque de suicide.
  • Plusieurs études suggèrent que la qualité de vie des personnes atteintes de DMLA est pire que celle de personnes  atteintes d’autres maladies chroniques comme les maladies pulmonaires obstructives et le sida.
  • Il est important de dépister une dépression débutante en cas de DMLA car elle risque d’en aggraver les conséquences fonctionnelles et  représenter ainsi un facteur de risque important de  passage en dépression grave.
  • La prise en compte de la dépression est un élément majeur pour le maintien de l’indépendance et de la qualité de vie d’une personne atteinte de DMLA. En outre comme  dépression et  atteinte de la fonction visuelle sont étroitement liées dans le cadre d’une DMLA, la gestion de l’atteinte dépressive intégrée à la prise en charge globale réadaptative parait être la meilleure solution.

Majoration  des processus  de dégénérescence cognitive 

Une étude publiée dans l’Américan Journal of Epidémiology montre qu’une mauvaise vision est clairement associée au risque de développer un vieillissement cérébral  majoré chez les « séniors » (2)  Le risque de démence augmente de plus de 50% à la perte de chaque pallier de l’échelle d’évaluation de la vision (échelle de 6 niveaux spécifique à cette étude). Le risque de développer des troubles cognitifs sans démence est quant à lui multiplié par 5. Ainsi les chercheurs estiment que la correction des problèmes visuels peuvent retarder l’apparition d’un vieillissement cognitif problématique. 

Chez les patients présentant déjà des troubles cognitifs, la prise en charge en compensation d’un handicap visuel va se trouver compliquée du fait des difficultés de compréhension des consignes et d’appropriation des différentes techniques. Il est alors indispensable de compléter le bilan d’évaluation fonctionnelle du patient par une évaluation neuro psychologique qui oriente les méthodologies de prise en charge de façon spécifique : adaptation de la verbalisation des consignes, diminution de la longueur des séances, répétition ritualisées de certaines tâches….  

Instabilité posturale et risques de chute 

Lors de la survenue d’un déficit visuel ce sont principalement les altérations de la vision des contrastes et les réductions du champ visuel  qui sont source d’instabilité posturale et de troubles de l’équilibre (5). Il est important de souligner que si la réduction du CV relève de certaines pathologies comme le glaucome ou les RP, les altérations de la vision des contrastes  se retrouvent chez la plupart des personnes présentant une atteinte visuelle sévère. 

Les patients contrôlent moins bien leur équilibre et ainsi leurs performances de mobilité sont diminuées par rapport à la population témoin (3) (4). 

La peur de la chute se traduit par une inhibition motrice : l’intéressé n’ose plus quitter son domicile. Cette limitation des déplacements retentit sur son autonomie sociale (aller faire ses courses, voir ses amis), sur le suivi médical (aller consulter son médecin référent) participe à la création de l’isolement et aux pertes d’activités qui font le lit de la dépression…       

Concernant les chutes les différentes études  (6) (7) montrent que celles-ci surviennent avec une fréquence multipliée par 3 chez les personnes déficientes visuelles. Reconnues comme facteur déclenchant des redoutables fractures de hanche elles sont fréquemment sources d’entrée dans la dépendance (8).  

Majoration des autres atteintes sensorielles ou motrices 

Les autres atteintes sensorielles ou motrices interfèrent avec les incapacités dues au déficit visuel (10). Elles majorent ces dernières  et rendent encore plus complexe l’aide à apporter. Les difficultés rencontrées pour effectuer une tâche sont amplifiées par une autre déficience : par exemple une arthrose cervicale limite les mouvements de la tête et majore un déficit visuel du champ périphérique ; DMLA et presbyacousie fréquemment associées majorent tous les troubles de la communication et sont source  d’isolement… 

Majoration des autres pathologies 

Diverses pathologies sont potentialisées en cas de handicap visuel  (9); citons par exemple : 

  • Le diabète avec la problématique de l’auto surveillance de la glycémie et du dosage de l’insuline
  • La maladie de Parkinson avec ses conséquences motrices et les troubles de l’équilibre
  • Les séquelles motrices ou langagières des accidents vasculaires cérébraux 

D’une manière plus générale il faut souligner les dangers en cas de poly pathologie et donc de poly médication. Gérer la réalisation d’un pilulier fiable permettant une bonne observance des traitements n’est pas aisé en cas de malvoyance, ce d’autant plus que les intéressés ne sont souvent pas conscients de cette difficulté. C’est une source fréquente d’effet iatrogène relevée par les aides à domicile et souvent ignorée. 

En conclusion  il faut insister sur le fait que le handicap visuel ne s’additionne pas à d’autres déficits mais les multiplie et les majore de façon exponentielle. La personne déficiente visuelle voit la perte de son autonomie amplifiée, le maintien à domicile plus problématique et le risque de la nécessité d’une institutionnalisation qui se profile….  

 

Sources 

  1. 1.(1)http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2792986/
  2. 2.(2)Mary AM Rogers, Kenneth M Langa. American Journal of Epidemiology 2010 171(6):728-735
  3. 3.(3)Eliott DB, Patla AE, Flanagan JG, Spaulding S, Rietdyk S, Strong G et al. The Waterloo vision and mobility study: postural control strategies in subjects with ARM.Ophtalmic Physiol Opt 1995;15:553-9
  4. 4.(4)Brown B, Brabyn L, Welch L, Haegerstrom-PortnoyG, ColenbranderA. Contribution of vision variables to mobility in age-related maculopathy patients. Am J Optom Physiol Opt 1986;63:733-9
  5. 5.(5)WoodJM, Lacherez PF, Black AA, Cole MH, Boon MY, Kerr GK. Postural stability and gait among older adults with age-related maculoopathy.Invest Ophtalmol Vis Sci 2009;50:482-7
  6. 6.(6)Soubrane G, Cruess A, Lotery A, Pauleikhoff D, Mones J, Xu X, et al. Burden and health care resource utilization in neovascular age-related macular degeneration: findings of a multicont y study. Arch Ophtalmol 2007; 125:1249-54
  7. 7.(7)THC Tran, D.Nguyen Van Nuoi, H Baiz, G Baglin, JJ Leduc, HDévisuel chez les sujets âgés chuteurs. Journal Français d’Ophtalmologie 2011;34:723-28
  8. 8.(8)Dargent P, Breart; Epidemiologyrisk factors of osteoporosis .Curr Opin Rheumatol 1993;5:339-45
  9. 9.(9)CampbellAJ, Reinken J, Allan BC, Martinez GS. Falls in old age :a study of frequency and related clinical factors. Age Ageing 1981;10:264-70 

(10) Holzschuch c, Mourey F, Manière D.Gériatrie et basse vision pratiques interdisciplinaires.ouvrage Masson éditeur nov 2002 ISBN 2 294 009975